June 8, 2023
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Le procès d’un homme accusé d’agressions sexuelles violentes a bien failli ne pas avoir lieu à cause d’une mauvaise utilisation de l’application Teams, où l’une de ses victimes a enregistré une conversation privée entre lui et son avocat, à leur insu. 

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«La présente affaire est une parfaite illustration des conséquences inattendues de l’usage de plus en plus fréquent […] de technologies», résume le juge de la Cour supérieure François Dadour dans une récente décision qui aura des répercussions majeures sur le processus judiciaire contre Samuel Comeau. 

Le magistrat a dû rendre plusieurs ordonnances draconiennes après que la principale plaignante au dossier, qu’on ne peut identifier, aurait bafoué le privilège avocat-client, «une règle de droit fondamentale et de première importance». 

Le juge a notamment ordonné que la procureure de la Couronne qui pilotait le dossier, plusieurs de ses collègues au fait des événements et l’enquêtrice de la Sûreté du Québec soient exclus des procédures en cours. 

Seul un avocat du Directeur des poursuites criminelles et pénales n’ayant pas eu accès à de l’information privilégiée à la suite de l’incident pourra prendre en charge le dossier pour la suite. 

L’événement fâcheux s’est produit le 12 octobre 2021, en pleine pandémie de COVID-19, alors que Comeau devait subir son enquête sur remise en liberté. 

Plusieurs accusations graves

L’homme de 32 ans est accusé de 17 chefs de voies de fait simples à graves, menaces, séquestration, agression sexuelle, agression sexuelle causant des lésions et utilisation d’une fausse arme à feu lors de la perpétration de voies de fait et d’agression sexuelle. Il aurait fait quatre victimes entre 2011 et 2019. 


On voit ici Samuel Comeau photographié en 2011. Il est accusé de 17 chefs de voies de fait simples à graves, menaces, séquestration, agression sexuelle, agression sexuelle causant des lésions, et utilisation d’une fausse arme à feu lors de la perpétration de voies de fait et d’agression sexuelle.

Photo tirée de la page Facebook de Samuel Comeau

On voit ici Samuel Comeau photographié en 2011. Il est accusé de 17 chefs de voies de fait simples à graves, menaces, séquestration, agression sexuelle, agression sexuelle causant des lésions, et utilisation d’une fausse arme à feu lors de la perpétration de voies de fait et d’agression sexuelle.

«Les faits prétendus sont graves: il s’agit d’allégations d’un degré élevé de violence dans un contexte conjugal, incluant coups de poing, coups de pied, tirer les cheveux, crachats, morsure des lèvres, agression sexuelle avec pénétration, prise à la gorge, coups alors que la plaignante était enceinte, menaces de causer la mort, utilisation d’une arme à feu afin de menacer la plaignante, et insertion de l’arme dans le corps de celle-ci», relate le juge Dadour. 

Dans un deuxième dossier, on lui reproche trois infractions de voies de fait contre trois personnes mineures, à trois moments distincts. 

Soulignons que Samuel Comeau est toujours présumé innocent de ces accusations. 

La plaignante enregistre tout

Lors de l’audience, l’avocat de la défense, Me David Leclair, a demandé d’avoir un entretien confidentiel avec Comeau, ce qui lui a été accordé. 

«La confidentialité devait être assurée par l’exclusion de toutes les personnes de la salle. La greffière a désactivé l’enregistrement [des micros dans la salle], et le constable spécial responsable de la salle a barré les portes», décrit le juge Dadour. 

Or, la principale victime au dossier était connectée via la plateforme Teams et a été en mesure d’assister à l’entretien, car elle n’a jamais été déconnectée. 

Elle a même filmé à l’aide d’un téléphone cellulaire la conversation d’une douzaine de minutes, apprend-on dans la décision. Elle a pu prendre connaissance de plusieurs informations auxquelles elle n’aurait normalement jamais dû avoir accès, dont la stratégie qu’ils pensaient suivre dans le dossier. 

La Couronne a même reconnu que ce qu’elle avait commis constituait, en partie, une interception illégale de communications privées. 

L’enquêtrice à la Sûreté du Québec au dossier, Valéry St-Pierre, aurait même indiqué à la plaignante de prendre des notes, n’ayant vraisemblablement pas compris qu’il s’agissait d’une discussion privilégiée entre un avocat et son client. 

Du jamais-vu

La défense a exigé l’arrêt des procédures contre Samuel Comeau, soutenant que son droit à un procès juste et équitable est maintenant compromis.  

Mais le magistrat n’a pas acquiescé à la demande de la défense. Il a toutefois imposé une liste de plusieurs «réparations». 

Possiblement pour la première fois au Canada, une audience à huis clos où la Couronne sera, à sa suggestion, écartée (ex parte) et où la victime devra témoigner concernant l’incident qui est survenu. 

Cette façon de faire, pratiquement jamais vue selon de nombreux intervenants du milieu judiciaire, empêchera donc la présence du ministère public, qui ne pourra s’objecter à de possibles questions de la défense. 

«Pour moi c’est quelque chose de très inusité. […] Je ne prétends pas avoir tout vu, mais ça, je n’ai jamais vu une décision comme telle. On voit que le juge a fait une profonde réflexion pour arriver à ça», fait valoir la juge à la retraite Nicole Gibeault. 

«Ça vient rétablir l’atteinte à l’intégrité du procès. Mais ça permet aussi de continuer les procédures sans ordonner un arrêt, c’est un dossier très important à mener au bout», ajoute-t-elle.

Au total, 13 mesures ont été mises en place par le juge Dadour pour éviter l’arrêt des procédures. 

«La combinaison de toutes ces mesures et leur effet cumulatif rétablissent l’équité du procès et réparent l’atteinte à l’intégrité du système judiciaire. Cette combinaison de remèdes atteint le point d’équilibre recherché en l’espèce», estime-t-il. 

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