

JOHN MACDOUGALL / AFP
Le ressortissant inculpé, un agent des services fédéraux de renseignement (BND), est soupçonné de « haute trahison », a annoncé jeudi 22 décembre le parquet fédéral de Karlsruhe. Illustration.
ALLEMAGNE – C’est une affaire délicate dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine qui a accru les menaces d’espionnage à l’échelle internationale. Un agent des services fédéraux de renseignement allemand (BND) soupçonné d’avoir transmis des informations sensibles à la Russie a été arrêté à Berlin, a annoncé jeudi 22 décembre le parquet fédéral de Karlsruhe. Ce ressortissant allemand, Carsten L. de son nom, est soupçonné de « haute trahison », a précisé le ministère public.
« En 2022 », une année marquée par l’offensive militaire déclenchée le 24 février par Moscou en Ukraine, cet homme « a fourni des informations, collectées dans le cadre de son travail à un service de renseignement russe », a affirmé le parquet fédéral de Karlsruhe. Les autorités ne donnent pas plus de détails, disant juste que des perquisitions ont été effectuées au domicile et sur le lieu de travail du suspect, ainsi que d’une autre personne.
Arrêté la veille à Berlin, où se trouve le siège du BND, l’homme a été présenté à un juge et placé en détention provisoire ce jeudi. « La retenue et la discrétion sont très importantes dans ce cas particulier », a commenté dans un communiqué Bruno Kahl, le président des services allemands de renseignements.
L’espionnage relancé par la guerre en Ukraine
La Russie est « un acteur dont l’absence de scrupules et la propension à la violence sont à prendre en compte », a-t-il ajouté, et « chaque détail rendu public dans cette affaire représente un avantage pour cet adversaire, dans son intention de nuire à l’Allemagne ». Les déclarations de Bruno Kahl pourraient avoir été motivées par la crainte d’une éventuelle mise en danger des agents de liaison et des agents du service allemand en Russie. Ces personnes pourraient en effet avoir été trahies par l’espion soupçonné dans les rangs du BND.
« Nous travaillons en étroite collaboration et en pleine confiance avec les enquêteurs pour complètement démêler l’affaire », a poursuivi le chef des services secrets. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les activités d’espionnage russes en Allemagne ont pris une ampleur rarement égalée ces dernières années, ont souligné les services de sécurité allemands qui ont régulièrement mis en garde contre cette menace.
Les services allemands de renseignement ont encore relevé leur niveau d’alerte sur ces questions. L’objectif de la Russie est notamment de collecter le maximum d’informations sur les infrastructures stratégiques de l’Allemagne, en particulier énergétiques, ferroviaires et routières. De grandes entreprises allemandes sont également dans le collimateur des agents russes.
Au printemps, l’Allemagne avait expulsé une quarantaine de diplomates russes qui représentaient, selon elle, une menace pour sa sécurité. Le 18 octobre, le chef de l’agence allemande de cybersécurité avait été limogé, après des révélations de médias faisant état de son manque de distance avec la Russie, dans un contexte d’inquiétudes à Berlin concernant d’éventuels actes de sabotage de Moscou
Des affaires très rares
Un mois plus tard, un officier de réserve allemand s’était vu infliger à Düsseldorf une peine de prison d’un an et neuf mois avec sursis pour espionnage au profit de la Russie. Avant même l’offensive russe en Ukraine, des allégations de cyberespionnage avaient opposé les deux pays.
La Russie est notamment accusée d’un piratage informatique de grande ampleur qui a visé en 2015 les ordinateurs du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Les services de la chancelière d’alors, Angela Merkel, ainsi que l’Otan et la chaîne de télévision francophone TV5 Monde sont également concernés. Mais les affaires, comme celle dévoilée jeudi, impliquant le cœur même du renseignement allemand, qui emploie plus de 6 000 personnes, sont beaucoup plus rares.
La précédente dans laquelle un agent du BND avait été poursuivi pour espionnage pour le compte de la Russie mais aussi pour celui des États-Unis remonte à 2014-2015. En 2014, un agent des services secrets allemands, soupçonné d’avoir collaboré avec la CIA et la Russie, avait été démasqué, un scandale qui avait empoisonné les relations germano-américaines et tendu davantage les rapports avec les Russes. Jugé pour « haute trahison » par un tribunal de Munich, il avait été condamné à huit ans de prison en 2016.
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