
Les dirigeants talibans d’Afghanistan ont interdit mardi l’enseignement universitaire aux femmes dans tout le pays, alors que les islamistes extrémistes continuent d’écraser le droit des femmes à l’éducation et à la liberté.
Malgré la promesse d’une règle plus souple lorsqu’ils prise de pouvoir l’année dernière, le talibans ont renforcé les restrictions sur tous les aspects de femmesignorant l’indignation internationale.
“Vous êtes tous informés d’appliquer immédiatement l’ordre mentionné de suspension de l’éducation des femmes jusqu’à nouvel ordre”, indique une lettre adressée à toutes les universités gouvernementales et privées, signée par la ministre de l’Enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem.
Le porte-parole du ministère, Ziaullah Hashimi, qui a tweeté la lettre, a confirmé l’ordre dans un SMS à l’AFP.
Washington a condamné la décision “dans les termes les plus forts”.
“Les talibans doivent s’attendre à ce que cette décision, qui va à l’encontre des engagements qu’ils ont pris à plusieurs reprises et publiquement envers leur propre peuple, entraîne des coûts concrets pour eux”, a déclaré le porte-parole du département d’Etat Ned Price aux journalistes à Washington.
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L’interdiction de l’enseignement supérieur intervient moins de trois mois après que des milliers de filles et de femmes ont passé les examens d’entrée à l’université à travers le pays, nombre d’entre elles aspirant à choisir l’enseignement et la médecine comme futures carrières.
Les universités sont actuellement en vacances d’hiver et devraient rouvrir en mars.
Après la prise de contrôle du pays par les talibans, les universités ont été contraintes de mettre en œuvre de nouvelles règles, notamment des salles de classe et des entrées séparées par sexe, tandis que les femmes n’étaient autorisées à être enseignées que par des femmes professeurs ou des vieillards.
La plupart des adolescentes à travers le pays ont déjà été bannies de l’enseignement secondaire, ce qui limite considérablement l’admission à l’université.
L’étudiante en journalisme Madina, qui voulait que seul son prénom soit publié, a eu du mal à comprendre le poids de la commande de mardi.
“Je n’ai rien à dire. Non seulement moi mais tous mes amis n’ont pas de mots pour exprimer nos sentiments”, a déclaré à l’AFP le jeune de 18 ans à Kaboul.
“Tout le monde pense à l’avenir inconnu qui les attend. Ils ont enterré nos rêves.”
Le pays revenait à des “jours sombres”, a ajouté Rhea, étudiante en médecine dans la capitale, qui a demandé que son nom soit changé.
“Alors que nous espérions faire des progrès, ils nous retirent de la société”, a déclaré le jeune homme de 26 ans.
“Un droit humain fondamental”
L’ONU est “profondément préoccupée” par cet ordre, a déclaré Ramiz Alakbarov, représentant spécial adjoint du chef de l’ONU pour l’Afghanistan.
“L’éducation est un droit humain fondamental. Une porte fermée à l’éducation des femmes est une porte fermée à l’avenir de l’Afghanistan”, a-t-il tweeté.
Les talibans adhèrent à une version austère de l’islam, avec le chef suprême du mouvement Hibatullah Akhundzada et son cercle restreint d’ecclésiastiques afghans contre l’éducation moderne, en particulier pour les filles et les femmes.
Mais ils sont en désaccord avec de nombreux responsables à Kaboul et parmi leurs rangs qui avaient espéré que les filles seraient autorisées à continuer à apprendre après la prise de pouvoir.
“Il existe de sérieuses différences dans les rangs des talibans sur l’éducation des filles et la dernière décision va aggraver ces différences”, a déclaré à l’AFP sous couvert d’anonymat un commandant taliban basé dans le nord-ouest du Pakistan.
Dans un revirement cruel, les talibans ont empêché en mars les filles de retourner dans les écoles secondaires le matin où elles étaient censées rouvrir.
Plusieurs responsables talibans affirment que l’interdiction de l’enseignement secondaire n’est que temporaire, mais ils ont également avancé une litanie d’excuses pour la fermeture – du manque de fonds au temps nécessaire pour remodeler le programme selon les lignes islamiques.
Depuis l’interdiction, de nombreuses adolescentes ont été mariées tôt – souvent à des hommes beaucoup plus âgés choisis par leur père.
Plusieurs familles interrogées par l’AFP le mois dernier ont déclaré que, couplée à la pression économique, l’interdiction de l’école signifiait qu’il valait mieux assurer l’avenir de leurs filles par le mariage que de rester inactives à la maison.
Pression internationale
Les femmes ont également été évincées de nombreux emplois gouvernementaux – ou reçoivent un salaire réduit pour rester à la maison. Il leur est également interdit de voyager sans un parent de sexe masculin et doivent se couvrir à l’extérieur de la maison, idéalement avec une burqa.
En novembre, il leur a également été interdit de se rendre dans les parcs, les fêtes foraines, les gymnases et les bains publics.
La communauté internationale a fait du droit à l’éducation pour toutes les femmes un point d’achoppement dans les négociations sur l’aide et la reconnaissance du régime taliban.
“La communauté internationale n’oublie pas et n’oubliera pas les femmes et les filles afghanes”, a déclaré le Conseil de sécurité de l’ONU dans un communiqué en septembre.
Au cours des 20 années séparant les deux règnes des talibans, les filles ont été autorisées à aller à l’école et les femmes ont pu chercher un emploi dans tous les secteurs, même si le pays est resté socialement conservateur.
Les autorités ont également recommencé les flagellations publiques et les exécutions d’hommes et de femmes ces dernières semaines alors qu’elles mettent en œuvre une interprétation extrême de la charia islamique.
La crise économique en Afghanistan n’a fait qu’empirer depuis le retour au pouvoir des talibans après le retrait précipité des forces étrangères dirigées par les États-Unis en août dernier.
Washington a gelé 7 milliards de dollars d’actifs afghans détenus aux États-Unis, tandis que les milliards d’aide étrangère qui ont aidé à soutenir le pays ont considérablement diminué.
(AFP)