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Avec ces nouveaux compteurs mis en place par le gouvernement, les Britanniques voient leur gaz et électricité coupés une fois leur crédit épuisé.
ÉNERGIE – Alors que le Royaume-Uni subit, comme le reste de l’Europe, une hausse spectaculaire des prix de l’énergie cet hiver, les Britanniques déplorent l’installation d’un système de gaz et d’électricité prépayé dans le pays. Connectés à la manière des compteurs Linky en France, ces dispositifs mis en place par le gouvernement pour les mauvais payeurs ont l’originalité de marcher avec un système de crédit.
Les usagers équipés doivent notamment acheter une carte prépayée chez l’épicier local, puis l’introduire dans le compteur, ou bien le recharger directement en ligne. Sinon, c’est la coupure. Mais le problème, c’est que ça leur revient plus cher qu’avant dans le contexte actuel.
Les prix de l’énergie, tirés vers le haut notamment par la guerre en Ukraine, poussent l’inflation à des sommets au Royaume-Uni : elle frôle 11 % et cause une sévère crise du coût de la vie. Plus de trois millions de familles n’ont pas les moyens de se chauffer et parmi elles environ 710 000 ménages ne peuvent pas non plus se permettre des vêtements chauds ou suffisamment de nourriture, selon une étude de la Fondation Joseph Rowntree.
Le gouvernement a bien mis en place des aides à l’énergie, mais les deux millions d’utilisateurs de modèles anciens de compteurs prépayés doivent faire la démarche de demander des bons pour en bénéficier.
Des clients privés d’électricité pendant « des jours »
Dans un quartier du nord de Londres, un froid glacial enveloppe les maisons mitoyennes et les voitures couvertes de neige. Dans le salon de Samantha Pierre-Joseph, 40 ans, une petite soufflerie réchauffe l’air ambiant. Dans le reste du logement, le chauffage est éteint. En raison d’une dette d’environ 1 800 livres (soit plus de 2 000 euros) qu’elle conteste, son fournisseur d’énergie l’a récemment basculée d’office sur un compteur prépayé.
Il y a quelques semaines, « je suis rentrée de courses et j’ai regardé mon compteur », un nouvel appareil connecté. « Il affichait un message qui disait “rechargez maintenant” », raconte-t-elle à nos confrères de l’Agence France-Presse. Il restait environ 3 livres avant la coupure. Comme Samantha, plus de 4 millions de foyers dans le pays sont désormais connectés au gaz et à l’électricité via des compteurs prépayés.
Tandis que les prix de l’énergie s’envolent cet hiver, ces clients « ont été les plus durement touchés » car ils se sont vus répercuter ces hausses « dès le premier jour », déplore Peter Smith, un responsable de l’association de lutte contre la pauvreté énergétique NEA. Des centaines de milliers de consommateurs supplémentaires, à la peine pour payer leurs factures, pourraient se retrouver cet hiver basculés sur ce type de compteurs, estiment plusieurs associations de défense des consommateurs.
Si les opérateurs coupent rarement le courant pour impayés, le vrai risque concerne « l’auto-déconnexion : les ménages n’ont tout simplement plus les moyens de recharger leurs compteurs d’énergie et arrêtent de consommer », décrit Peter Smith. Dans sa maison où elle vit avec sa fille de 20 ans, Samantha Pierre-Joseph compte désormais chaque livre d’électricité ou de gaz qu’elle utilise.
À part le réfrigérateur, « les appareils ménagers sont éteints la plupart du temps ». Un sapin de Noël trône dans un coin, mais les guirlandes lumineuses restent éteintes. Elle ne chauffe qu’une pièce et essaie de toujours cuisiner pour deux jours, pour économiser sur la cuisson. Malgré ces efforts, « je recharge chaque semaine » au moins 60 livres, estime-t-elle, pianotant sur l’écran tactile de son compteur.
« Anxiété »
L’Ofgem, le régulateur britannique de l’énergie, juge la situation « totalement inacceptable ». Il a récemment rappelé les fournisseurs d’énergie à leur obligation d’un contrôle équilibré de la situation des clients avant de les basculer sur un compteur prépayé. « Dans certains cas extrêmes, (…) certains clients vulnérables se sont retrouvés sans électricité pendant des jours, voire des semaines », a fustigé l’entreprise dans une déclaration transmise à l’AFP. Certains parlementaires d’opposition ont appelé le gouvernement à suspendre ces conversions de compteurs.
Samantha Pierre-Joseph dénonce pour sa part une situation « très injuste ». Elle a fini par céder et rembourser la dette réclamée, mais espère en obtenir le remboursement. « Ce sont toujours ceux qui ont le moins d’argent qui finissent par payer davantage », regrette-t-elle. Et puis, « il y a cette anxiété, après avoir rechargé, vous pouvez voir que littéralement l’argent s’écoule, s’écoule, s’écoule », raconte cette psychothérapeute de profession qui voit ainsi englouties ses quelques économies.
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