La maladie d’Alzheimer est sans doute l’une des principales préoccupations de santé publique à travers le monde. Étant donné le vieillissement de la population, la gestion de cette maladie débilitante est en effet un défi majeur pour les personnes concernées, pour leur famille, et plus généralement, pour les systèmes de santé… Comme nous l’explique la Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, il n’y a pas de solution miracle pour contrer cette maladie neurodégénérative. Néanmoins, il est possible d’agir sur certains facteurs de risques pour espérer éviter ou retarder l’apparition des premiers symptômes.
Difficile d’anticiper Alzheimer…
Pour rappel, la maladie d’Alzheimer se caractérise par une perte progressive des capacités cognitives et de la mémoire. Les personnes concernées présentent une confusion, une désorientation dans le temps et dans l’espace, des troubles du langage, des difficultés motrices et parfois des changements de personnalité plus ou moins importants en fonction du stade de leur maladie. En cause ? L’accumulation anormale de deux protéines dans le cerveau : la protéine amyloïde (ou peptide bêta-amyloïde) et la protéine Tau.
« Bien que de nombreux progrès aient été réalisés, il reste encore beaucoup à apprendre sur la façon dont la maladie se développe et progresse », prévient la Dre Panchal. Autrement dit, il n’est pas possible de savoir quand, de quelle manière et à quelle vitesse elle frappera.
Une combinaison de facteurs complexe
Dans la grande majorité des cas, la maladie d’Alzheimer est multifactorielle : elle est liée à une combinaison de facteurs tels que le vieillissement (la maladie se développe généralement après 65 ans), la génétique (les personnes porteuses de la version ApoE4 du gène ApoE ont plus de risque de développer la maladie d’Alzheimer) et l’environnement (l’alimentation, la sédentarité, la stimulation cognitive, etc.).
S’il n’est pas possible de ralentir le temps ou de retenter sa chance à la loterie génétique, il est possible d’agir sur les différents facteurs de risques relatifs à notre environnement : « Prévenir les facteurs de risque modifiables tout au long de sa vie – même lorsque l’on souffre de la forme héréditaire de la maladie (moins d’1 % des cas) – permet d’éviter ou de retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer », assure la Dre Maï Panchal.
Selon les études les plus récentes, 40 % des cas de maladies d’Alzheimer pourraient même être évités grâce à une prévention adaptée et à la prise en compte de facteurs de risque modifiables tels que la sédentarité, le tabagisme, l’alcoolisme, l’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie, l’obésité, les traumatismes crâniens, le manque de sommeil, la dépression, la pollution de l’air, un faible niveau d’éducation et de stimulation mentale, un faible niveau de dépense physique et le manque de liens sociaux ou amicaux.
En résumé, il n’existe pas de solution miracle pour se prémunir totalement contre la maladie d’Alzheimer, mais un grand nombre de gestes quotidiens permettent de diminuer les risques. Dre Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer.
Il n’y a pas d’âge pour commencer à prévenir la maladie !
Il existe une forme héréditaire de la maladie, aussi dite familiale, qui peut se manifester dès la quarantaine, voire dès la trentaine chez les personnes concernées. Mais dans la grande majorité des cas, les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer se manifestent après l’âge de 65 ans. Cela dit, certaines personnes peuvent souffrir d’une forme précoce de la maladie et présenter les premiers symptômes d’alerte avant 65 ans alors qu’elles ne souffrent pas de la forme héréditaire de la maladie.
Comme le rappelle la fondation Vaincre Alzheimer, la maladie d’Alzheimer se développe lentement et silencieusement : le processus biologique à l’origine de la destruction des neurones commence à se mettre en place 20 à 25 ans avant l’apparition des premiers symptômes. Ces derniers se manifestent en effet au bout d’un certain temps, lorsque les lésions cérébrales commencent à être nombreuses. D’où l’importance de ne pas attendre la soixantaine pour prendre de bonnes résolutions pour votre santé !
Adoptez une alimentation équilibrée
Maintenir un poids de santé stable et adopter une alimentation variée et équilibrée permet de réduire significativement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Dans la mesure du possible, optez pour un régime qui combine le régime méditerranéen et le régime DASH, conseille la Dre Panchal. Privilégiez des aliments riches en nutriments essentiels, tels que les fruits, les légumes verts, les grains entiers, les protéines maigres (comme les poissons, les légumineuses et les volailles), les noix et les graines. Limitez la viande rouge, les produits laitiers et les produits transformés ou riches en sucres ajoutés. Préférez l’huile d’olive au beurre ou à la margarine, assurez-vous de boire suffisamment d’eau tout au long de la journée, etc.
À noter : contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, la prise d’oméga-3, de vitamine B, de vitamine D, de vitamine E ou d’antioxydants sous forme de compléments alimentaires ne diminue pas le risque de maladies neurocognitives (source 1). C’est plutôt la variété du régime alimentaire et la combinaison des différents nutriments issus de l’alimentation qui auraient un effet protecteur pour notre cerveau. Il est donc recommandé de consommer des aliments riches en oméga-3, en vitamines B, D, E ou en antioxydants, plutôt que d’opter pour des compléments alimentaires !
Par ailleurs, aucune étude n’a encore démontré l’utilité de l’huile de coco, du ginkgo biloba ou encore du vin rouge (polyphénols) pour réduire le déclin cognitif et prévenir l’apparition de la maladie d’Alzheimer ou ralentir son évolution.
Quels aliments privilégier pour se protéger de la maladie d’Alzheimer ?
Comme indiqué ci-dessus, privilégiez les fruits et légumes riches en antioxydants qui luttent contre les radicaux libres. Misez principalement sur des légumes à feuilles vertes comme les épinards ou le chou frisé. Les légumineuses comme les lentilles, les pois chiches ou encore les haricots sont aussi intéressantes. Côté fruit, les baies (en particulier les bleuets, les myrtilles, les fraises et les framboises) sont souvent mises en avant pour leurs bienfaits.
Pour ce qui est des poissons, privilégiez les poissons gras tels que le saumon, le maquereau, le thon et les sardines. Riches en acides gras oméga-3, ils peuvent aider à réduire l’inflammation et à améliorer la fonction cognitive. Les grains entiers, tels que le riz brun, l’avoine, le quinoaet le blé entier, sont riches en fibres et en nutriments bénéfiques pour le cerveau, comme la vitamine E, le magnésium et les antioxydants.
Enfin, les amandes,les noix de cajou, les noisettes,les graines de lin et les graines de chia sont particulièrement riches en graisses saines, en protéines et en antioxydant capables de soutenir la fonction cognitive.
Pratiquez une activité physique régulière
L’activité physique régulière et soutenue (au moins 30 minutes d’exercice modéré à intense par jour) réduit bel et bien le risque de développer la maladie d’Alzheimer – et peut même ralentir l’évolution de la maladie lorsqu’elle s’est déclarée. Dans le détail :
- elle améliore la santé cardiovasculaire et favorise la circulation sanguine – y compris au niveau du cerveau ;
- elle réduit l’inflammation chronique délétère dans tous le corps, y compris dans le cerveau ;
- elle stimule la croissance de nouvelles cellules cérébrales (neurogenèse) et favorise la formation de connexions entre ces cellules (ce qui améliore la plasticité cérébrale) ;
- elle permet de réduire le stress et l’anxiété qui peuvent potentiellement augmenter le risque de tomber malade ;
- et elle améliore la fonction cognitive à long terme : aussi bien la mémoire que l’attention ou la capacité de raisonnement.
Toutes les études confirment que les personnes qui pratiquent une activité physique modérée ou élevée réduisent d’environ 30 % leur risque de développer une maladie neurocognitive par rapport à celles qui n’en pratiquent que très peu, indique la Fondation Vaincre Alzheimer (source 1).
Quels sports privilégier ?
Tous les sports sont efficaces pour prévenir l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Idéalement, privilégiez des activités douces qui demandent de la coordination et de la concentration, comme :
- la marche à pied,
- la natation,
- le cyclisme,
- le yoga,
- le tai chi,
- la danse,
- etc.
« Participer à des sports d’équipe comme le football, le basketball, le tennis ou le volleyball, peut aussi avoir des bienfaits sur la santé physique et mentale ! », souligne la Dre Panchal. Et d’ajouter : « L’essentiel est de trouver un sport qui vous plaît, qui est adapté à votre condition, à votre niveau, et que vous pouvez pratiquer à votre rythme sur le long terme ».
N’hésitez pas à chercher un(e) partenaire qui vous accompagnera à chaque séance, ou à vous tourner vers des clubs sportifs et autres associations qui vous permettront de rencontrer de nouvelles personnes et d’entretenir des relations stimulantes. Par ailleurs, si votre état de santé le permet, prenez l’habitude de privilégier les escaliers et de vous déplacer autant que possible à pied ou en vélo.
Stimulez le plus possible votre cerveau
Vous l’aurez compris, bouger son corps ne suffit pas à prévenir la maladie d’Alzheimer : il faut aussi bouger son cerveau ! « Nous venons au monde avec une réserve cognitive qui ne cesse de s’enrichir tout au long de notre vie. Et plus cette réserve est élevée, plus elle résiste au lésions cérébrales caractéristiques de la maladie d’Alzheimer », explique la Dre Panchal.
Plusieurs activités de loisir s’offrent donc à vous pour stimuler votre « capital cérébral » …
- Suivez des cours ou des conférences qui vous intéressent ;
- Lisez régulièrement des journaux ou des livres et choisissez des sujets variés pour maintenir votre esprit actif et curieux.
- Apprenez à jouer d’un nouvel instrument ou à chanter ;
- Remettez-vous à une langue étrangère ou découvrez-en une nouvelle ;
- Mettez-vous en cuisine et découvrez de nouvelles recettes ;
- Lancez-vous dans la botanique ou le jardinage ;
- Faites vos premiers pas dans l’artisanat apprenez la poterie, la peinture, la couture, etc.
- Misez sur des quizz de culture générale, des jeux de réflexion et d’énigmes comme des casse-têtes, des mots croisés, des mots fléchés ou de sudokus, sans oublier les jeux de plateaux et les jeux de cartes.
- Pratiquez des techniques comme la méditation et la pleine conscience pour améliorer votre concentration, réduire votre stress et améliorer votre santé mentale.
Apprenez à gérer votre stress au quotidien
Le stress chronique peut avoir un impact négatif sur la santé de notre cerveau et augmenter le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Apprendre à le gérer est donc indispensable ! Pour cela, pratiquez des techniques de gestion du stress telles que la méditation, le yoga, la respiration profonde ou la visualisation. Comme indiqué ci-dessus, l’activité physique régulière est aussi une façon très efficace de réduire le stress : en libérant des endorphines, elle apaise le système nerveux et limite les tensions.
Organisez votre temps de manière efficace en établissant des priorités, en planifiant vos tâches et en évitant la procrastination pour réduire le sentiment d’urgence et le stress associé aux délais serrés. Pensez aussi à prendre des pauses régulières tout au long de la journée pour vous détendre et vous ressourcer : faites une courte promenade, écoutez de la musique relaxante, ou pratiquez des exercices de stretching pour relâcher les tensions physiques et mentales.
Autre conseil qui a son importance : définissez des limites et apprenez à dire non aux demandes excessives ou non prioritaires. Priorisez vos tâches et concentrez-vous sur ce qui est vraiment important pour vous au quotidien, en déléguant ou en refusant les engagements qui ajoutent du stress inutile à votre vie. Dans cette optique, faites le tri dans vos relations et délestez-vous des personnes toxiques de votre entourage.
Efforcez-vous de maintenir des relations de qualité
Les années passant, de nombreuses personnes âgées se retrouvent malheureusement seules et isolées. Or l’isolement et la solitude sont extrêmement néfastes pour notre bien-être mental, émotionnel et cognitif, souligne la Dre Panchal. Et de préciser : « Le contact et les échanges avec le cercle familial, amical et relationnel sont indispensables pour notre cerveau. Abandonner toute vie sociale limite les stimulations cognitives et augmente donc le risque de développer une maladie neurocognitive ».
Entretenez des liens avec vos ami(e)s et n’hésitez pas à renouveler votre cercle social en vous renseignant sur les activités collectives proposées par votre municipalité ou par des associations privées. « Certains organismes proposent des rencontres régulières en lien avec les langues, la littérature, la cuisine, l’informatique, le théâtre, etc. », note la Dre Panchal. Vous rencontrerez ainsi d’autres personnes qui partagent vos centres d’intérêts ou vos valeurs et avec qui vous pourrez échanger. Autre alternative : proposez-vous comme bénévole dans une association.
En résumé, il est important de cultiver des relations sociales positives et de qualité en investissant du temps et de l’énergie dans les amitiés et les liens familiaux qui en valent la peine. Planifiez régulièrement des rencontres avec des amis, participez à des activités de groupe ou impliquez-vous dans des communautés ou des clubs qui partagent vos intérêts. Même des interactions simples, comme un appel téléphonique rapide ou un échange de messages, peuvent renforcer vos liens et enrichir votre vie quotidienne !
Prenez soin de votre sommeil et dormez suffisamment
Au risque de vous surprendre, la qualité de votre sommeil impacte la santé de notre cerveau et la consolidation de notre mémoire. « Un sommeil de qualité est essentiel pour maintenir une bonne santé mentale et cognitive, mais aussi pour réduire le risque de développer une maladie neurodégénérative », confirme la Dre Panchal.
Au cours de la nuit, notre cerveau se régénère et consolide les souvenirs, ce qui est essentiel pour une bonne fonction cognitive. Un sommeil de qualité permet aussi d’évacuer les toxines accumulées dans le cerveau pendant la journée, notamment les protéines bêta-amyloïdes. « Bien dormir permet donc d’améliorer sa mémoire et sa concentration, mais aussi de réduire son stress et de mieux régulier son humeur », insiste l’experte.
Bon à savoir : ce n’est pas parce que l’on dort longtemps que l’on dort bien ! Pour optimiser la qualité de votre sommeil, établissez une bonne routine de sommeil :
- Couchez-vous et levez-vous à des heures régulières, aussi bien la semaine que le week-end.
- Établissez un couvre-feu numérique pour limiter votre exposition à la lumière bleue des écrans au moins une heure avant le coucher.
- Créez un environnement propice au sommeil en réduisant les sources de lumière, en régulant la température et en limitant les sources de bruit.
- Évitez les stimulants tels que la caféine et la nicotine avant le coucher.
- Ne pratiquez pas d’activité physique intense en fin de journée, car cela pourrait retarder votre endormissement.
- Et si vous avez des problèmes de sommeil persistants, consultez un professionnel de santé pour obtenir des conseils et un traitement approprié.
Prévention : consultez régulièrement votre médecin et passez les examens nécessaires
« Pour éviter l’apparition de la maladie d’Alzheimer, faites-vous suivre régulièrement par votre médecin : suivez ses recommandations et passez les contrôles de santé nécessaires en fonction de votre âge, de vos antécédents médicaux et de vos facteurs de risque personnels », recommande la Dre Panchal.
Votre médecin peut vous aider à identifier et à anticiper les facteurs de risque, mais il peut aussi vous faire passer des évaluations cognitives pour détecter tout signe précoce de déficit cognitif ou de déclin de la mémoire. Sans oublier que les consultations et examens de routine peuvent être l’occasion de dépister une hypertension artérielle, un diabète ou une hypercholestérolémie à temps et de les prendre en charge pour limiter les dégâts.
Et l’experte d’insister : « Il faut absolument prendre en charge les risques cardiovasculaires, mais aussi faire corriger sa vision et son audition si besoin, pour limiter l’isolement et continuer à pouvoir stimuler son cerveau. En intégrant ces différents conseils dans votre vie quotidienne, vous réussirez à protéger la santé de votre cerveau et à maintenir une qualité de vie optimale à long terme ».
En vidéo : le témoignage de Lise, 81 ans, ambassadrice de la Fondation Vaincre Alzheimer
Nota Bene : cet article liste les différentes mesures de prévention primaire qui peuvent permettre d’éviter ou de retarder la survenue de troubles cognitifs. Ces mesures ne doivent pas être confondues avec les mesures de prévention secondaires qui s’appliquent aux personnes déjà diagnostiquées dont l’état se dégrade progressivement !