

JEFF PACHOUD / AFP
Photo de l’université d’été de la France insoumise à Châteauneuf-sur-Isère le 28 août (Illustration)
POLITIQUE – La « génération Mélenchon », celle qui a permis au candidat à l’Élysée d’être par deux fois le troisième homme du scrutin ultime, ronchonne. Grogne même. La France Insoumise, déjà plombée en interne par un nouvel organigramme jugé peu satisfaisant, est confrontée dans le même temps à une « grève militante » de ses jeunes. En cause : la gestion du cas Quatennens.
Le 13 décembre, les Jeunes Insoumis de Poitiers sont « écœurés ». Ils n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer la décision des députés LFI de réintégrer en avril leur collègue du Nord, condamné le matin même à de la prison avec sursis pour violences conjugales. « Notre combat devient incohérent et ne nous rend plus fier de porter haut notre étendard de justice, de liberté, d’égalité et d’harmonie », écrivent les jeunes de Poitiers dans une série de tweets.
« Incohérence », « trahison » … Les mots reviennent dans quasiment tous les communiqués publiés en moins d’une semaine par les différentes branches jeunesses LFI aux quatre coins du pays. Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Metz, Valencienne, Nanterre, Haute-Vienne, Paris-Nord-Est, Lyon, Marseille ce jeudi 22 décembre…
Jusqu’au « Discord insoumis », force de frappe de la France insoumise sur les réseaux sociaux, ils sont au moins une vingtaine d’annexes à réclamer l’exclusion pure et simple d’Adrien Quatennens. En attendant, les actions au nom de LFI sont suspendues et, fidèles à leur esprit fatécieux, les cyber-militants s’amusent à faire des cartes de France, façon météo, des grèves militantes touchant le mouvement.
🔴 #GrèveMilitante – 21/12
Nous souhaitons retrouver confiance et pouvoir militer sous un étendard capable d’incarn… https://t.co/VSGLmNa6Dd
— Le Discord insoumis (@Action_Insoumis)
« Rupture générationnelle »
« Si Quatennens s’était rendu coupable de fraude fiscale, ils l’auraient viré direct. Cela prouve bien qu’il y a un fossé générationnel, que contrairement à ce qu’ils disent, ils n’ont pas compris les enjeux du combat féministe aujourd’hui », résume Robbin, un des membres des Jeunes Insoumis de Poitiers, au micro de France Inter.
Certains élus de la France Insoumise partagent ce sentiment. « Oui, il y a un petit fossé sur le cas Quatennens. Et il est possible que cela s’accentue », nous confiait avant la décision de justice un parlementaire LFI. Une autre n’hésite pas à parler de « rupture générationnelle ».
C’est bien le comble pour un mouvement qui sait capter la jeunesse. Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon s’était imposé loin devant Emmanuel Macron et Marine Le Pen comme le candidat des 18-24 ans (31%) et des 24-35 ans (34%), selon un sondage Ipsos-Sopra.
Le « faites mieux » de Mélenchon se retourne contre lui
Mais il va sans dire que la réaction de Jean-Luc Mélenchon à l’affaire Quatennens a de quoi refroidir ses plus fervents défenseurs. Avec une triste ironie, ils sont beaucoup à avoir repris dans leurs communiqués les mots du candidat malheureux qui, en actant sa défaite le 10 avril, avait appelé ses troupes à « faire mieux ».
« Nous voulons dire aux membres de cette nouvelle direction que si nous voulons ’faire mieux’, alors nous risquons de devoir faire sans eux », mettent en garde les jeunes de la Vallée du Gier dans la Loire.
Non #Quatennens ne peut pas réintégrer le groupe parlementaire @FiAssemblee.
Nous nous joignons à nos camarades… https://t.co/g7uxLQSxss
— Jeunes de la NUPES Paris Nord-Est (@jnupes_P_nest)
À en croire Clémentine Autain, qui évoquait dans le JDD le 16 décembre « des départs groupés de LFI », certains ont déjà choisi de plier bagage. La députée de Seine-Saint-Denis, soutenue entre autre par l’eurodéputée Manon Aubry, plaide pour que la sanction parlementaire d’Adrien Quatennens soit réexaminée, à la lumière de ses prises de paroles publiques pour assurer sa défense.
Mais la ligne dirigeante ne l’entend pas de cette oreille. « On est tous mal à l’aise, mais il y a un accord au sein du groupe. Et puis comme Jean-Luc Mélenchon l’a exprimé en meeting à Saint-Étienne vendredi dernier l’idéal républicain, c’est aussi qu’un homme condamné à le droit à la réhabilitation », déclare Manuel Bompard, interrogé par France Inter. Quid de la rébellion insoumise ? « Il faut laisser aux groupes d’action leurs respirations », évacue celui qui est désormais le numéro 1 de LFI, sous le titre de coordinateur des espaces.
Dans un mouvement qui se revendique « gazeux », il est donc hors de question d’imposer une ligne de conduite. Sauf que les jeunes militants entendent bien le faire, eux. Ce jeudi, les Jeunes Insoumis de Marseille ont annoncé une « procédure de consultation interne » sur la réintégration d’Adrien Quatennens avant que les résultats soient« communiqués » au groupe parlementaire insoumis.
Et il se trouve que dix-huit députés siègent dans la nouvelle direction annoncée en cette fin d’année. Sauront-ils entendre la colère des adhérents et calmer la fronde ? « Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’insoumission interne vaut mise au ban », déplorait Clémentine Autain à propos de la réorganisation. Mais avec l’affaire Quatennens, c’est bien le mouvement qui prend le risque de se voir rejeter par ses plus jeunes partisans.
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